« Décartographier » la probation L’imaginaire libéral de la loi en tant que projet d’exclusion de la neurodiversité

Abstract

Dans le cadre de la série de conférences Droit et Préjugés, nous avons choisi de « décartographier » les clauses de probation imposées à un délinquant autiste Asperger dans l’affaire R. v. Hanssen afin de relever les présomptions (ou préjugés) qui accablent le sujet de droit neurodivergent; plus précisément la capacité qu’on prête au sujet de droit responsable à se disjoindre des déterminismes psycho-sociaux qui composent sa réalité vécue et à se déterminer, seul, par la seule force de sa Raison et de sa Volonté. En mettant en son centre la responsabilisation autonome du délinquant neurodivergent plutôt que ses besoins et sa vulnérabilité, la probation renforce le préjugé voulant qu’il n’en tient qu’au délinquant de se reprendre en main et que le bris répété de la loi n’est qu’une question de « mauvaise » volonté de sa part. Le projet de droit libéral – l’individu libre gouverné par la loi – apparaîtra à la suite de notre exégèse comme étant davantage un projet d’exclusion systématique de la myriade de déviations possibles de cette construction de l’Homme raisonnable; le projet de gouvernance par la loi en est un fait exclusivement à sa mesure.

Grâce au recours à de nouveaux outils théoriques (la loi comme Carte de Boaventura de Sousa Santos, l’imaginaire social de Charles Taylor, le Chronotope de Mariana Valverde), nous allons pouvoir faire ressortir les formes d’oppression latentes et cachées qui accablent les personnes atteintes de troubles mentaux lorsqu’on leur impose une ordonnance de probation. Décartographier la carte-probation (à partir de ses éléments-caractéristiques, nommément son échelle, sa projection et sa légende) nous permettra de questionner le rôle de l’institution pénale dans la gestion de la sécurité et de nous demander s’il est possible d’imaginer des pratiques probatoires moins sévères et préjudiciables pour les délinquants socialement vulnérables.